vendredi 16 avril 2010

LA FOLLE ALLURE.





" Trois années avec l'ogre, trois années apparentes, en vérité trois siècles, je ne peux rien dire de cet amour, je ne peux que le chanter, peut-être n'ai-je noirci toutes les feuilles qui précèdent pour en venir à celles-ci, peut être n'ai-je conçu toutes les autres phrases que pour donner le jour à celle-ci, une phrase de trois ans avec seulement des virgules, pas de point final ou le plus tard possible, une phrase comme un amour de trois ans et trois siècles, une phrase pour dire ce que je ne pourrai dire, cette joie qui m'arrive, qui déferle et m'enlève de tout pour me remettre à "moi" et me révèle comme c'est petit ce qu'on n'appelle "moi", comme c'est maigre et sans vraie consistance, avant cet amour je n'étais pas née, avec cet amour je suis morte, je suis passée d'un néant à un autre, le premier était triste et lourd, le second est radieux, sec et vif comme une attaque en musique, une vibration d'archet, une pirouette de Jean-Sébastien Bach, (...), l'amour est une pièce minuscule dans laquelle j'entrerai au bout de ces trois ans, pendant trois ans je me prépare à aimer, pendant trois ans je vis en attendant autre chose et donc je ne vis pas, je brûle seulement et les deux autres brûlent avec moi. "
C.Bobin.

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